Formation professionnelle dans la recherche et la pratique
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Livre sur les certifications professionnelles pour adultes en Suisse : « Berufsabschluss für Erwachsene in der Schweiz » (hep)

Nous avons besoin d’un système de formation professionnelle initiale pour adultes

La formation professionnelle pour adultes est enfin devenue un thème important en Suisse. Il n’est plus tolérable que plus de 500 000 personnes de plus de 25 ans sans qualification secondaire II évoluent tant bien que mal sur le marché du travail, alors qu’il y a en même temps une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Le nouvel ouvrage « Berufsabschluss für Erwachsene in der Schweiz – Bestandesaufnahme und Blick nach vorn » (Certifications professionnelles pour adultes en Suisse – état des lieux et perspectives) indique comment on peut remédier à cette situation. Il développe des propositions pour la mise en place d’un système de formation initiale pour adultes.


Pendant de longues années, la politique de la formation ne s’est guère intéressée au sujet, mais depuis peu, on y accorde visiblement une importance accrue : un demi-million de personnes n’ont accompli que la scolarité obligatoire, sans aucune formation consécutive. Deux évolutions ont suscité cet intérêt : certains secteurs souffrent d’une pénurie de main-d’œuvre qualifiée, et en 2014, l’initiative relative à l’immigration de masse a été acceptée. On entend à présent conférer à davantage d’adultes en Suisse les aptitudes nécessaires à une activité professionnelle qualifiée. Les mesures déjà prises et à venir visent les personnes actives n’ayant pas de formation professionnelle. L’amélioration de l’accès des adultes à la formation professionnelle revêt ici une importance centrale.

Ce sujet joue également un rôle dans la politique sociale, et de ce point de vue, la formation professionnelle pour adultes est jugée importante depuis longtemps déjà : on estime que sur les près de 550 000 adultes entre 25 et 64 ans sans certification au niveau secondaire II, plus de 100 000 ont encore trente années de travail ou davantage devant eux. Ces chiffres sont inquiétants, car les statistiques montrent clairement que les personnes sans formation post-obligatoire sont significativement plus souvent frappées par le chômage et la pauvreté que les personnes plus qualifiées.

L’obstacle le plus important réside dans le financement. Le rattrapage d’une qualification par le biais d’une formation initiale génère des frais non couverts de 50 000 à 150 000 francs par personne, en majorité dus à une perte de revenus.

En Suisse, les adultes peuvent depuis 1933 déjà compléter et faire reconnaître leur formation. Mais malgré des offres qui fonctionnent, des rapports, des initiatives au Parlement fédéral et des contributions des syndicats, le nombre des adultes acquérant une certification professionnelle après l’âge de 25 ans seulement n’augmente que très lentement depuis de longues années. Pourquoi en est-il ainsi ? Pourquoi si peu des nombreuses personnes qui aspirent à une certification professionnelle et seraient capables de l’acquérir parviennent-elles au but ? L’ouvrage « Berufsabschluss für Erwachsene in der Schweiz » fournit en détail de premières réponses tirées d’études et de témoignages de personnes concernées.

  1. L’obstacle le plus important réside dans le financement. Le rattrapage d’une qualification par le biais d’une formation initiale génère des frais non couverts de 50 000 à 150 000 francs par personne, en majorité dus à une perte de revenus. Si 1000 personnes supplémentaires par an doivent acquérir une qualification, cela représente annuellement 50 à 150 millions de francs. Ces fonds sont presque impossibles à lever dans la situation politique actuelle. Il est donc important qu’à l’avenir, la grande majorité des personnes intéressées puissent suivre la formation complémentaire nécessaire parallèlement à leur activité professionnelle, ce qui réduit massivement la perte de revenus. Ceci exige des offres spéciales pour les adultes en formation, dont les coûts seraient pris en charge par le Trésor public dans une mesure comparable à ce qui est fait pour les écoles secondaires pour adultes. Il importe également de proposer de nouvelles formes d’enseignement permettant la flexibilité de temps et de lieu déterminante pour les adultes.
  2. La carence massive d’information sur les certifications professionnelles pour adultes est un fait largement reconnu de nos jours. Il importe que les conseillers dans les différents offices concernés soient bien au courant de la marche à suivre, des chances et des obstacles. Les employeurs doivent réaliser que les adultes de plus de 25 ans également peuvent encore acquérir une certification. Enfin, une vaste campagne d’information doit s’adresser à l’environnement social et professionnel des intéressés. Les personnes qui optent pour cette voie méritent notre estime ; celle-ci est décisive pour qu’elles osent à l’âge de 30, 40 ou 50 ans encore se lancer dans une formation de plusieurs années et persévèrent jusqu’au bout. Les histoires de réussites décrites dans le livre illustrent combien l’effort en vaut la peine, sur le plan individuel, professionnel et social.
  3. Enfin, il faut assurer dans toutes les formes de la formation professionnelle un encadrement d’ensemble de la personne en formation, de préférence par le même conseiller ou la même conseillère pendant toute la période. Parmi les experts, la nécessité d’un encadrement constant est incontestée.

En conclusion, les constats sont les suivants : l’apprentissage comme système central d’acquisition d’une formation professionnelle initiale s’adresse aux jeunes. Pour les adultes, il est peu adapté et génère des coûts trop élevés. Il faut donc prévoir pour eux un système spécifique parallèle, tel qu’il existe pour les écoles secondaires. C’est uniquement s’il y a une volonté politique de permettre aux adultes de faire reconnaître leurs qualifications existantes et de combler leurs lacunes dans le cadre d’un système adapté aux adultes que nous pourrons atteindre l’augmentation souhaitée des certifications.

Trois éléments du « Modèle 2025 »

Dans leur ouvrage, Markus Maurer, Emil Wettstein und Helena Neuhaus montrent comment les adultes peuvent acquérir en Suisse une certification professionnelle. Avec le « Modèle 2025 », ils décrivent une situation idéale, dont ils déduisent des recommandations. Nous reprenons ici trois éléments de ce « Modèle 2025 ».

  1. « Il y a des écoles professionnelles pour adultes. Elles sont tout aussi évidentes que les écoles de maturité pour adultes. Les personnes qui acquièrent une formation professionnelle à l’âge adulte rencontrent dans leur entourage autant d’estime que les adultes qui rattrapent la maturité. » Cette idée paraît pour l’instant – comme jadis pour les écoles secondaires – visionnaire. Mais il existe dès aujourd’hui plusieurs programmes qui vont, tout au moins partiellement, dans ce sens.
  2. « La formation professionnelle pour adultes s’aligne sur les profils de qualification des différents métiers ; elle se fait par modules à accomplir individuellement. La totalité de tous les modules accomplis débouche sur le CFC. » La reconnaissance de compétences existantes – telles que nous la connaissons aujourd’hui déjà dans la procédure de validation – doit s’aligner sur les profils de qualification des différents métiers. Les offres de formation complémentaire, ou les différents modules, sont structurés de telle sorte que chaque unité porte sur une compétence ou un groupe de compétences. Chaque unité est accomplie avec un certificat de performance. Le canton de Genève a montré que ceci est possible : dès 2007, il a introduit le système modulaire dans tous les métiers pouvant faire l’objet d’une procédure de validation. Genève a ainsi pu augmenter considérablement le nombre de CFC obtenus par des adultes de plus de 25 ans.
  3. « Les voies qui permettaient par le passé à un adulte d’obtenir un CFC ont fait place à un système simple, flexible et aisément compréhensible pour tous, qui convient à 80 % de tous les intéressés. »
    Le système actuel avec quatre à six voies différentes (selon la façon de les compter) est trop complexe. Notre proposition : au moins 80 % de tous les intéressés suivent la même voie, englobant les trois phases suivantes : planification, formation, certification. La phase de formation se subdivise – selon le niveau initial de la personne – en deux à quatre étapes, se terminant chacune par un certificat intermédiaire. Ces certificats intermédiaires sont reconnus par la branche concernée et donc utiles sur le marché du travail. Ils font en outre partie de la formation pour l’obtention du CFC.
    Des certifications intermédiaires tous les un à deux ans sont importants, car elles réduisent la pression ressentie par les participants. C’est ce que montrent des expériences recueillies dans l’hôtellerie-restauration, l’horlogerie, l’industrie du nettoyage et la mécanique de production. Beaucoup de personnes suivant une formation se sentent encouragées par les progrès réalisés et osent ainsi la poursuivre jusqu’au CFC.
Citation

Maurer, M., Wettstein, E., & Neuhaus, H. (2016). Nous avons besoin d’un système de formation professionnelle initiale pour adultes. Transfer. Formation professionnelle dans la recherche et la pratique 1(1).

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